dimanche 25 avril 2021

Je me souviens toujours de Nam

Il y a des bouts de soi, éparpillés, des bouts de cœur, des bouts d'ailleurs, des bouts de vie qu'on espère aligner, mettre bout à bout, et reconstituer, comme un puzzle depuis l’autre bout du monde.

Il y a ce que l'on sait – si peu, et tout ce que l'on ne sait pas : des temps inconnus, des bribes, des débris, des interrogations et des fosses qui se creusent en nous, des mots défaillants qui font tout de même notre histoire, des fragments de ci, de là, des souvenirs flous d'une terre natale, des lieux perdus, des champs d'oubli et des champs de mine, des trous de mémoire et des bouts de loin en soi.




jeudi 22 avril 2021

Impressions de printemps

 

Un peu de répit dans la course du quotidien, et on s'évertue, on perpétue, on s'épuise à reprendre les mots, on continue, entre soi et malgré soi, on écrit dans la brume, un matin doux d'avril, après le chant des oiseaux, et un soleil encore timide. On écrit un je ne sais quoi et presque rien qui tombe sur la forêt ancienne, qui s'épanche sur les yeux. Un cliché de l'inattendu. Un zoom sur l'imprévu. Un hasard matinal. Une douceur enveloppante. Une tranquillité là-haut, dans le ciel, au-dessus de la mêlée, presque hors-temps, un semblant de pause, d'arrêt sur image, comme une illusion. On rêve encore d'une longue pensée dans la brume, d'une écriture sans but, d'une poétique de la fumée, ou peut-être plutôt, d'une idée fumeuse. Et on se reprendra un café chaud et une cigarette pour se consoler. Le jour a commencé, et la nuit se fait encore attendre.



mardi 6 avril 2021

Un printemps d'autrefois


En quelques semaines, le jardin de ma mère a changé de couleurs. Les magnolias, jonquilles et tulipes du printemps ont fané. Le jardin a l’allure d’un jardin abandonné. À cette heure matinale, alors que le soleil s’étire timidement, les fleurs sauvages sont encore fermées. Pissenlits et pâquerettes ne sont que des taches discrètes dans le vert de la pelouse. À côté, les pots de fleurs font grise mine. Maman n’est plus là pour prendre soin d’elles. Demeurent les joubarbes qui ne craignent ni le manque d’eau, ni le manque de cœur. Car il faut aussi de l’amour pour entretenir les plantes. Et ce jardin, comme cette maison, souffre d’une sécheresse d’amour depuis que Suzanne a quitté ces lieux. La personne qui mettait tout son amour dans ses gestes de jardinage, comme de cuisine, aussi hystérique et pénible fût-elle à côtoyer au quotidien, savait, malgré tout, rendre ces lieux accueillants. Et plus qu’on ne le croit, égayer un lieu de vie, c’est prendre soin des autres, c’est faire en sorte que les habitants du lieu se sentent bien chez eux, là où s'ancrent et poussent les lianes affectives. Car, quand sommes-nous chez soi, en fin de compte ? Nous ne sommes nulle part chez soi, sauf là, peut-être, où nous sommes accueillis, même temporairement, « hospités », dit Barbara Cassin, dans son bel essai, La Nostalgie.

(en 2017)