Je dérivais vers la pensée sauvage. Je faisais l'expérience de la pensée en images : celle qui ne disait mot. Une pensée silencieuse, pas bavarde. Une pensée qui n'interprète pas, qui ne définit rien. Une pensée insignifiante, une pensée imaginante, une pensée sans grammaire. Les images ont cet avantage sur les lettres : elles n'ont pas la prétention de dire quelque chose.
Minuit dans le jardin
mercredi 12 janvier 2022
mardi 11 janvier 2022
Images urbaines (3)
Je voyais une tête de monstre, là, au premier plan. Le profil d'une gargouille échappée de quelque légende urbaine surgissait là, soudain, sur ma route. Et la maison fumait un peu plus loin. La vapeur formait des vagues, des arabesques dans le jaunâtre de la nuit. C'était un serpent impalpable qui s'insinuait continuellement dans l'air froid et sec. Puis il se dispersait furtivement.
dimanche 9 janvier 2022
Images urbaines (2)
Les lampadaires baignent la nuit d'une lumière jaune. Ils exhalent une brume jaunâtre. Comme un dernier souffle dans l'atmosphère. Ceci, je ne le vois pas à l'oeil nu, je ne le pressens pas. C'est mon appareil numérique qui me montre un monde qui m'échappe. Il m'offre des perceptions nouvelles, un regard autre. Mais peut-être aussi, me permet-il de fixer un monde ou un moment, afin que la vision ne s'évanouisse trop vite. Une manière peut-être aussi de se relier, malgré soi, à des espace-temps qui paraissent sans cesse étrangers. Des endroits familiers qui s'étrangent cependant. C'est comme se rendre compte soudain, face à l'image, des géométries urbaines. Elles étaient là, pourtant, déjà là, mais encore inconscientes.
samedi 8 janvier 2022
Images urbaines
Un soir, j'ai cherché la beauté dans l'enlaidissement des lieux, dans les zones bétonnées, les urbanités, les lumières électriques, sur les murs, sous les lampadaires, à travers les grillages, derrière les portes souterraines, et les terrains vagues, et la désolation. Je pensais à la chanson de Gainsbourg. La beauté cachée des laids, des laids... se voit sans délai, délai. Il y avait quelque chose de géométrique. Par exemple, les poubelles d'une grande surface sont des parallélépipèdes rouges.
Sans ça, un joyeux 2022 en perspective.
vendredi 8 octobre 2021
Un 8 octobre sur la terre
Aujourd'hui, je pense beaucoup à JF. Quatre ans déjà. Et j'ai peut-être bien assez écrit sur le deuil etc. Mais ce jour, le réseau social facebook sur lequel on traîne de temps en temps (comme ailleurs), histoire de tromper l'ennui -- en vain, me rappelle comme chaque année que ce jour est son jour anniversaire.
Je me suis rendue sur son mur fantôme. Depuis la dernière photo postée, sur laquelle on peut l'apercevoir assis en terrasse d'une maison exotique, les yeux dans le vague et le visage intranquille, il n'y a rien, rien d'autre, aucun signe de lui bien évidemment.
Sur fb, les vivants s'exhibent tandis que les morts conservent leur tombeau virtuel. Ils nous laissent quelques mots et images en souvenir, afin de raviver la peine, afin que l'on verse encore quelques larmes en se remémorant le disparu.
Je joue le jeu, comme quelques uns, de lui exprimer une pensée, d'envoyer une parole au frérot dans le néant. Je ne sais même plus son âge, j'ai arrêté de compter. Je sais seulement qu'il a quatre ans de mort, et que parfois, il vient à manquer tristement.
Paroles de Facteur Cheval
mercredi 15 septembre 2021
La pluie est là, l'automne arrive
Bien que la rentrée ne me laisse aucun répit, comme à son habitude, hélas, une bonne nouvelle cependant : la belle saison automnale est de retour ! Avec l'envie de revenir vers des amours anciennes, en domaine de solitude. Je suis bien en ma compagnie, je reconnais que je m'entends bien avec moi-même.
J'ai sorti les ciseaux, la colle, les feutres d'art et autres pour composer un dessein-poème naïf. Cela faisait longtemps. Rien de prémédité dans cette composition, les choses s'assemblent toujours par le plus grand des hasards (vous avez dit bizarre, comme c'est bizarre...).
Avec Bach
jeudi 26 août 2021
Presque rien à l'horizon
Je fais toujours les choses à moitié, je m'arrête toujours en chemin. Tout est inabouti en ma demeure, l'élan s'étiole dès les commencements, et je ne termine presque jamais rien. Les projets restent des mois et des années en suspens, des petits riens sans grande ambition. Je les cultive longtemps dans l'ombre et l'incertain. Ma psychanalyste que je ne vois plus dirait sans doute qu'il faut le temps de la maturation et que c'est ainsi. Pas de quoi culpabiliser. Tel serait mon fonctionnement et ma névrose : la procrastination est une forme de maturation.
La fin de l'été approche et les idées qui ont fleuri auparavant, comme par étourderie, dans une folie ordinaire, dans une euphorie passagère et insensée, se dissiperont peut-être dans l'hiver prochain. C'est la valse des saisons qui ne cesse de tournoyer. Déjà, mais sans hâte, je languis l'automne. Hélas, l'heure de la reprise du travail et de la comédie en société sonne aussi : ce coup de frein au rêve et au désir. Il n'y a rien de plus aliénant et de plus déprimant.
Avec les années cependant, j'ai appris l'anesthésie mentale. Plus je vieillis et plus je sombre dans une indifférence au monde et à l'action. Et les nouvelles des humains sont toujours aussi navrantes.
lundi 2 août 2021
Rien de nouveau sous l'ombre
Sourds à l'altérité qui les compose, tous ces individus pétris de certitudes et qui appellent à la liberté me font l'effet d'une masse d'exhibitionnistes participant à une mascarade inconsciente et morbide : les gens, les peuples, les groupes sont toujours capables des pires intolérances, des crimes les plus infâmes. Jusque dans leur vulgaire quotidien qu'ils habillent d'idéaux prestigieux.
Quel spectacle ! Quelles ténèbres dans le cœur des hommes.
Vraiment, je n'y arrive pas. Je vois toute cette tromperie.
Tous ces vaccins QR code pass sanitaire etc. ne m'empêchent aucunement de fumer et de boire du vin à la terrasse d'un café, de flâner paisiblement dans les musées, de jouir des plaisirs esthétiques, érotiques, mélancoliques et autres, de contempler la beauté éphémère des choses de la vie, de lire écrire et de rêver en vain, de vivre seule avec mes ombres mes doutes, d'aimer, et puis de mourir à ma guise.
dimanche 18 juillet 2021
Mais tout de même, reprenons la route
vendredi 9 juillet 2021
Et j'ai assez voyagé
assez vu senti entendu
mais sans doute pas assez lu
et à la fois bien trop lu - tous ces livres qui donnent le vertige - si ce n'est la nausée
on pourrait en construire des demeures de papier
des châteaux de livres en veux-tu en voilà
des palais de lettres à perte de vue
tout s'écroulerait au premier déluge
et tout ce monde qui écrit - toutes ces écritures
romanesques intellectuelles fictives auto-fictives fantasy polar essai haïku poésie etc. etc.
ça fait quelque chose
ça ferait un grand feu de joie
car le chant du monde n'a pas besoin de mots
en fin de compte
mardi 6 juillet 2021
Il y a longtemps déjà
il était un soir ordinaire
j’écrivais une poésie pour l’allumeur de réverbères,
car l’allumeur de réverbères est celui qui nous rêvait
d’autres horizons, d’autres hasards, d’autres ciels inattendus.
Dans les villes tentaculaires
par les ruelles emmêlées
l’allumeur de réverbères
gardien des univers-nuits
ombrait des éternuités.
Des Illuminations
scintillaient les pupilles
Phare bougie halo blafard
Signes-feux aux naufragés
des quotidiens des jours austères
L'allumeur de réverbères éclairait des chemins
dans les routines existentielles.
Il allumait des rêves
des songes des déroutes
des fleuves infinis
des cernes jusqu'au cou
et des voix sans issue
des nuits à dormir debout
des nuits à tomber des nues
des brumes des brouillards
des soirées des impasses
et des oiseaux nocturnes
des bancs obscurs des parkings
des soi des ténèbres
des bleu-nuits des nuits noires
des solitudes marines
et des illusions des chimères.
Il veillait aux fenêtres endormies
quand la nuit, tous les chagrins sont gris.
Il y a longtemps déjà, il était un soir ordinaire
ma poésie pour l’allumeur de réverbères
a sombré dans une histoire très passée.
Comme l’allumeur de réverbères, a-t-elle seulement existé ?
Je n’ai pas connu
l’allumeur des nuits blanches
et des happy hour
des lueurs crépusculaires
et des faces cachées de la lune.
Il ne reste plus désormais
que des réverbères électriques
comme des roues fantômes
qui trônent dans le vide
dans les squares esseulés
des lumières orphelines.
Et je sais une chose à présent :
il est des âges où nous ne croyons plus
depuis longtemps déjà nous n’attendons plus
naïfs comme des enfants
que le monde s’éclaire.