mercredi 30 août 2023

Sur les rives


 

Le temps s'écoule au fil de l'eau, changeant de teintes au gré des moments, des pensées, des jours et des nuits : bleu ciel, vert végétal, nuit d'encre, gris nuage... C'est le fleuve et ses métamorphoses indécises. 

Aujourd'hui, je me suis installée sur les rives d'une onde qui serpente vers l'amer, et souvent je me dis que jamais vent ne se ressemble : on ne se baigne jamais deux fois dans le même vent.



mercredi 12 janvier 2022

Images urbaines (4)

 Je dérivais vers la pensée sauvage. Je faisais l'expérience de la pensée en images : celle qui ne disait mot. Une pensée silencieuse, pas bavarde. Une pensée qui n'interprète pas, qui ne définit rien. Une pensée insignifiante, une pensée imaginante, une pensée sans grammaire. Les images ont cet avantage sur les lettres : elles n'ont pas la prétention de dire quelque chose.


mardi 11 janvier 2022

Images urbaines (3)



Je voyais une tête de monstre, là, au premier plan. Le profil d'une gargouille échappée de quelque légende urbaine surgissait là, soudain, sur ma route. Et la maison fumait un peu plus loin. La vapeur formait des vagues, des arabesques dans le jaunâtre de la nuit. C'était un serpent impalpable qui s'insinuait continuellement dans l'air froid et sec. Puis il se dispersait furtivement. 

dimanche 9 janvier 2022

Images urbaines (2)

 


Les lampadaires baignent la nuit d'une lumière jaune. Ils exhalent une brume jaunâtre. Comme un dernier souffle dans l'atmosphère. Ceci, je ne le vois pas à l'oeil nu, je ne le pressens pas. C'est mon appareil numérique qui me montre un monde qui m'échappe. Il m'offre des perceptions nouvelles, un regard autre. Mais peut-être aussi, me permet-il de fixer un monde ou un moment, afin que la vision ne s'évanouisse trop vite. Une manière peut-être aussi de se relier, malgré soi, à des espace-temps qui paraissent sans cesse étrangers. Des endroits familiers qui s'étrangent cependant. C'est comme se rendre compte soudain, face à l'image, des géométries urbaines. Elles étaient là, pourtant, déjà là, mais encore inconscientes.




samedi 8 janvier 2022

Images urbaines

 Un soir, j'ai cherché la beauté dans l'enlaidissement des lieux, dans les zones bétonnées, les urbanités, les lumières électriques, sur les murs, sous les lampadaires, à travers les grillages, derrière les portes souterraines, et les terrains vagues, et la désolation. Je pensais à la chanson de Gainsbourg. La beauté cachée des laids, des laids... se voit sans délai, délai. Il y avait quelque chose de géométrique. Par exemple, les poubelles d'une grande surface sont des parallélépipèdes rouges. 










Sans ça, un joyeux 2022 en perspective.

vendredi 8 octobre 2021

Un 8 octobre sur la terre

Aujourd'hui, je pense beaucoup à JF. Quatre ans déjà. Et j'ai peut-être bien assez écrit sur le deuil etc. Mais ce jour, le réseau social facebook sur lequel on traîne de temps en temps (comme ailleurs), histoire de tromper l'ennui -- en vain, me rappelle comme chaque année que ce jour est son jour anniversaire. 

Je me suis rendue sur son mur fantôme. Depuis la dernière photo postée, sur laquelle on peut l'apercevoir assis à la terrasse d'une maison exotique, les yeux dans le vague et le visage intranquille, il n'y a rien, rien d'autre, aucun signe de lui bien évidemment.

Sur fb, les vivants s'exhibent tandis que les morts conservent leur tombeau virtuel. Ils nous laissent quelques mots et images en souvenir, afin de raviver la peine, afin que l'on verse encore quelques larmes en se remémorant le disparu. 

Je joue le jeu, comme quelques uns, de lui exprimer une pensée, d'envoyer une parole au frérot dans le néant. Je ne sais même plus son âge, j'ai arrêté de compter. Je sais seulement qu'il a quatre ans de mort, et que parfois, il vient à manquer tristement.



Paroles de Facteur Cheval

mercredi 15 septembre 2021

La pluie est là, l'automne arrive

Bien que la rentrée ne me laisse aucun répit, comme à son habitude, hélas, une bonne nouvelle cependant : la belle saison automnale est de retour ! Avec l'envie de revenir vers des amours anciennes, en domaine de solitude. Je suis bien en ma compagnie, je reconnais que je m'entends bien avec moi-même.

J'ai sorti les ciseaux, la colle, les feutres d'art et autres pour composer un dessein-poème naïf. Cela faisait longtemps. Rien de prémédité dans cette composition, les choses s'assemblent toujours par le plus grand des hasards (vous avez dit bizarre, comme c'est bizarre...).




Avec Bach


(Je me tiens avec un pied dans la tombe.)

jeudi 26 août 2021

Presque rien à l'horizon

Je fais toujours les choses à moitié, je m'arrête toujours en chemin. Tout est inabouti en ma demeure, l'élan s'étiole dès les commencements, et je ne termine presque jamais rien. Les projets restent des mois et des années en suspens, des petits riens sans grande ambition. Je les cultive longtemps dans l'ombre et l'incertain. Ma psychanalyste que je ne vois plus dirait sans doute qu'il faut le temps de la maturation et que c'est ainsi. Pas de quoi culpabiliser. Tel serait mon fonctionnement et ma névrose : la procrastination est une forme de maturation. 

La fin de l'été approche et les idées qui ont fleuri auparavant, comme par étourderie, dans une folie ordinaire, dans une euphorie passagère et insensée, se dissiperont peut-être dans l'hiver prochain. C'est la valse des saisons qui ne cesse de tournoyer. Déjà, mais sans hâte, je languis l'automne. Hélas, l'heure de la reprise du travail et de la comédie en société sonne aussi : ce coup de frein au rêve et au désir. Il n'y a rien de plus aliénant et de plus déprimant.

Avec les années cependant, j'ai appris l'anesthésie mentale. Plus je vieillis et plus je sombre dans une indifférence au monde et à l'action. Et les nouvelles des humains sont toujours aussi navrantes. 





lundi 2 août 2021

Rien de nouveau sous l'ombre



En ce moment, les manifestations populaires pullulent. On crie "liberté". On exige la "liberté" dans une société qui serait dictatoriale. Je crois que c'est en fait le symptôme paradoxal d'une aliénation profonde. Peut-être est-ce le summum de l'aliénation contemporaine occidentale, qui, dans un dernier semblant de lucidité, s'écrie "liberté". Mais la liberté des droits individuels ne garantit en rien une liberté intérieure. Tout individu est aliéné par ses nombreuses croyances, ses illusions, ses fantasmes, ses déterminations, ses désirs obscurs inavouables.



Sourds à l'altérité qui les compose, tous ces individus pétris de certitudes et qui appellent à la liberté me font l'effet d'une masse d'exhibitionnistes participant à une mascarade inconsciente et morbide : les gens, les peuples, les groupes sont toujours capables des pires intolérances, des crimes les plus infâmes. Jusque dans leur vulgaire quotidien qu'ils habillent d'idéaux prestigieux.



Quel spectacle ! Quelles ténèbres dans le cœur des hommes.





Vraiment, je n'y arrive pas. Je vois toute cette tromperie. 

Tous ces vaccins QR code pass sanitaire etc. ne m'empêchent aucunement de fumer et de boire du vin à la terrasse d'un café, de flâner paisiblement dans les musées, de jouir des plaisirs esthétiques, érotiques, mélancoliques et autres, de contempler la beauté éphémère des choses de la vie, de lire écrire et de rêver en vain, de vivre seule avec mes ombres mes doutes, d'aimer, et puis de mourir à ma guise.



Nous sommes tous ici pour choisir nos prisons.



dimanche 18 juillet 2021

Mais tout de même, reprenons la route

Flânons encore ensemble quelques heures. Nous savons être sur le déclin, nous savons la fin si proche, si prête. Dans quelques minutes, dans quelques secondes, ce n'est que l'espace de quelques jours dans une éternuité. Et L'air du temps n'est qu'un fragment d'éthernité. (J'écrivais cette phrase il y a des lustres.)

Apprenons à flâner encore un peu. Développons le sens de la flânerie, indéfiniment, car c'est tout ce que nous savons faire, heureusement. Nous liserons entre les lignes, et nous cueillerons des pensées sauvages, entre les ombres des ruelles, à la terrasse des murmures, comme un moment dans une nuit, à capter l'insolite des journées ordinaires.





L'allumeur de réverbères n'est plus et nous finirons comme lui, depuis longtemps déjà, à disparaître. Reste, peut-être, un léger soupçon de rêves jaunis, comme les pages abîmées d'un livre très ancien. Nous les tournoierons en diagonale et dans tous les sens. Nous déploierons la poussière de nos âges pas encore vieux, même s'il est presque minuit trop tard.

Mais tout de même, reprenons la route ensemble, et le plus lentement possible. Suivons le lit du fleuve et son delta immense. Nous nous retrouverons peut-être, perdus dans un instant de flânerie. Comme si nous y étions, là-bas, nous fermerons les yeux, nous guetterons le vent burlesque, des fois qu'il ferait encore tinter le carillon chinois.

vendredi 9 juillet 2021

Et j'ai assez voyagé


en long en large et en travers

aussi à tort et à travers

assez traversé

assez fait le tour de ma terre

de mon rond-point intérieur

de mon ennui circulaire

un voyage qui s'épuise

autour de ma chambre aux volets mi-clos

mais fenêtre ouverte sur les ailleurs

avec la lassitude des saisons - vivement l'automne des jours



J'ai donc assez voyagé

assez vu senti entendu

mais sans doute pas assez lu

et à la fois bien trop lu - tous ces livres qui donnent le vertige - si ce n'est la nausée

on pourrait en construire des demeures de papier 

des châteaux de livres en veux-tu en voilà

des palais de lettres à perte de vue

tout s'écroulerait au premier déluge

et tout ce monde qui écrit - toutes ces écritures

romanesques intellectuelles fictives auto-fictives fantasy polar essai haïku poésie etc. etc.

ça fait quelque chose

ça ferait un grand feu de joie




J'ai donc bien assez voyagé

de l'est à l'ouest du nord au sud

depuis ma terre du dedans

depuis mes adagios

vieilles histoires tant de fois réécrites

et qui n'en finissent pas de se traduire

maintenant j'explore le passage

et les limites du temps

dans un corps à corps avec une atmosphère

car le chant du monde n'a pas besoin de mots

en fin de compte


mardi 6 juillet 2021

Il y a longtemps déjà

  il était un soir ordinaire

j’écrivais une poésie pour l’allumeur de réverbères,

car l’allumeur de réverbères est celui qui nous rêvait

d’autres horizons, d’autres hasards, d’autres ciels inattendus.



Dans les villes tentaculaires

par les ruelles emmêlées

l’allumeur de réverbères

gardien des univers-nuits

ombrait des éternuités.



Des Illuminations

scintillaient les pupilles

Phare bougie halo blafard

Signes-feux aux naufragés 

des quotidiens des jours austères



L'allumeur de réverbères éclairait des chemins 

dans les routines existentielles.


Il allumait des rêves

des songes des déroutes

des fleuves infinis

des cernes jusqu'au cou

et des voix sans issue

des nuits à dormir debout

des nuits à tomber des nues

des brumes des brouillards

des soirées des impasses

et des oiseaux nocturnes

des bancs obscurs des parkings

des soi des ténèbres

des bleu-nuits des nuits noires

des solitudes marines

et des illusions des chimères.


Il veillait aux fenêtres endormies

quand la nuit, tous les chagrins sont gris.




Il y a longtemps déjà, il était un soir ordinaire

ma poésie pour l’allumeur de réverbères

a sombré dans une histoire très passée.


Comme l’allumeur de réverbères, a-t-elle seulement existé ?


Je n’ai pas connu

l’allumeur des nuits blanches

et des happy hour

des lueurs crépusculaires

et des faces cachées de la lune.




Il ne reste plus désormais

que des réverbères électriques

comme des roues fantômes

qui trônent dans le vide

dans les squares esseulés

des lumières orphelines.


Et je sais une chose à présent :

il est des âges où nous ne croyons plus

depuis longtemps déjà nous n’attendons plus

naïfs comme des enfants

que le monde s’éclaire.