vendredi 8 octobre 2021

Un 8 octobre sur la terre

Aujourd'hui, je pense beaucoup à JF. Quatre ans déjà. Et j'ai peut-être bien assez écrit sur le deuil etc. Mais ce jour, le réseau social facebook sur lequel on traîne de temps en temps (comme ailleurs), histoire de tromper l'ennui -- en vain, me rappelle comme chaque année que ce jour est son jour anniversaire. 

Je me suis rendue sur son mur fantôme. Depuis la dernière photo postée, sur laquelle on peut l'apercevoir assis à la terrasse d'une maison exotique, les yeux dans le vague et le visage intranquille, il n'y a rien, rien d'autre, aucun signe de lui bien évidemment.

Sur fb, les vivants s'exhibent tandis que les morts conservent leur tombeau virtuel. Ils nous laissent quelques mots et images en souvenir, afin de raviver la peine, afin que l'on verse encore quelques larmes en se remémorant le disparu. 

Je joue le jeu, comme quelques uns, de lui exprimer une pensée, d'envoyer une parole au frérot dans le néant. Je ne sais même plus son âge, j'ai arrêté de compter. Je sais seulement qu'il a quatre ans de mort, et que parfois, il vient à manquer tristement.



Paroles de Facteur Cheval

mercredi 15 septembre 2021

La pluie est là, l'automne arrive

Bien que la rentrée ne me laisse aucun répit, comme à son habitude, hélas, une bonne nouvelle cependant : la belle saison automnale est de retour ! Avec l'envie de revenir vers des amours anciennes, en domaine de solitude. Je suis bien en ma compagnie, je reconnais que je m'entends bien avec moi-même.

J'ai sorti les ciseaux, la colle, les feutres d'art et autres pour composer un dessein-poème naïf. Cela faisait longtemps. Rien de prémédité dans cette composition, les choses s'assemblent toujours par le plus grand des hasards (vous avez dit bizarre, comme c'est bizarre...).




Avec Bach


(Je me tiens avec un pied dans la tombe.)

jeudi 26 août 2021

Presque rien à l'horizon

Je fais toujours les choses à moitié, je m'arrête toujours en chemin. Tout est inabouti en ma demeure, l'élan s'étiole dès les commencements, et je ne termine presque jamais rien. Les projets restent des mois et des années en suspens, des petits riens sans grande ambition. Je les cultive longtemps dans l'ombre et l'incertain. Ma psychanalyste que je ne vois plus dirait sans doute qu'il faut le temps de la maturation et que c'est ainsi. Pas de quoi culpabiliser. Tel serait mon fonctionnement et ma névrose : la procrastination est une forme de maturation. 

La fin de l'été approche et les idées qui ont fleuri auparavant, comme par étourderie, dans une folie ordinaire, dans une euphorie passagère et insensée, se dissiperont peut-être dans l'hiver prochain. C'est la valse des saisons qui ne cesse de tournoyer. Déjà, mais sans hâte, je languis l'automne. Hélas, l'heure de la reprise du travail et de la comédie en société sonne aussi : ce coup de frein au rêve et au désir. Il n'y a rien de plus aliénant et de plus déprimant.

Avec les années cependant, j'ai appris l'anesthésie mentale. Plus je vieillis et plus je sombre dans une indifférence au monde et à l'action. Et les nouvelles des humains sont toujours aussi navrantes. 





lundi 2 août 2021

Rien de nouveau sous l'ombre



En ce moment, les manifestations populaires pullulent. On crie "liberté". On exige la "liberté" dans une société qui serait dictatoriale. Je crois que c'est en fait le symptôme paradoxal d'une aliénation profonde. Peut-être est-ce le summum de l'aliénation contemporaine occidentale, qui, dans un dernier semblant de lucidité, s'écrie "liberté". Mais la liberté des droits individuels ne garantit en rien une liberté intérieure. Tout individu est aliéné par ses nombreuses croyances, ses illusions, ses fantasmes, ses déterminations, ses désirs obscurs inavouables.



Sourds à l'altérité qui les compose, tous ces individus pétris de certitudes et qui appellent à la liberté me font l'effet d'une masse d'exhibitionnistes participant à une mascarade inconsciente et morbide : les gens, les peuples, les groupes sont toujours capables des pires intolérances, des crimes les plus infâmes. Jusque dans leur vulgaire quotidien qu'ils habillent d'idéaux prestigieux.



Quel spectacle ! Quelles ténèbres dans le cœur des hommes.





Vraiment, je n'y arrive pas. Je vois toute cette tromperie. 

Tous ces vaccins QR code pass sanitaire etc. ne m'empêchent aucunement de fumer et de boire du vin à la terrasse d'un café, de flâner paisiblement dans les musées, de jouir des plaisirs esthétiques, érotiques, mélancoliques et autres, de contempler la beauté éphémère des choses de la vie, de lire écrire et de rêver en vain, de vivre seule avec mes ombres mes doutes, d'aimer, et puis de mourir à ma guise.



Nous sommes tous ici pour choisir nos prisons.



dimanche 18 juillet 2021

Mais tout de même, reprenons la route

Flânons encore ensemble quelques heures. Nous savons être sur le déclin, nous savons la fin si proche, si prête. Dans quelques minutes, dans quelques secondes, ce n'est que l'espace de quelques jours dans une éternuité. Et L'air du temps n'est qu'un fragment d'éthernité. (J'écrivais cette phrase il y a des lustres.)

Apprenons à flâner encore un peu. Développons le sens de la flânerie, indéfiniment, car c'est tout ce que nous savons faire, heureusement. Nous liserons entre les lignes, et nous cueillerons des pensées sauvages, dans les ombres des ruelles, à la terrasse des murmures, comme un moment dans une nuit, à capter l'insolite des journées ordinaires.





L'allumeur de réverbères n'est plus et nous finirons comme lui, depuis longtemps déjà, à disparaître. Reste, peut-être, un léger soupçon de rêves jaunis, comme les pages abîmées d'un livre très ancien. Nous les tournoierons en diagonale et dans tous les sens. Nous déploierons la poussière de nos âges pas encore vieux, même s'il est presque minuit trop tard.

Mais tout de même, reprenons la route ensemble, et le plus lentement possible. Suivons le lit du fleuve et son delta immense. Nous nous retrouverons peut-être, perdus dans un instant de flânerie. Comme si nous y étions, là-bas, nous fermerons les yeux, nous guetterons le vent burlesque, des fois qu'il ferait encore tinter le carillon chinois.

vendredi 9 juillet 2021

Et j'ai assez voyagé


en long en large et en travers

aussi à tort et à travers

assez traversé

assez fait le tour de ma terre

de mon rond-point intérieur

de mon ennui circulaire

un voyage qui s'épuise

autour de ma chambre aux volets mi-clos

mais fenêtre ouverte sur les ailleurs

avec la lassitude des saisons - vivement l'automne des jours



J'ai donc assez voyagé

assez vu senti entendu

mais sans doute pas assez lu

et à la fois bien trop lu - tous ces livres qui donnent le vertige - si ce n'est la nausée

on pourrait en construire des demeures de papier 

des châteaux de livres en veux-tu en voilà

des palais de lettres à perte de vue

tout s'écroulerait au premier déluge

et tout ce monde qui écrit - toutes ces écritures

romanesques intellectuelles fictives auto-fictives fantasy polar essai haïku poésie etc. etc.

ça fait quelque chose

ça ferait un grand feu de joie




J'ai donc bien assez voyagé

de l'est à l'ouest du nord au sud

depuis ma terre du dedans

depuis mes adagios

vieilles histoires tant de fois réécrites

et qui n'en finissent pas de se traduire

maintenant j'explore le passage

et les limites du temps

dans un corps à corps avec une atmosphère

car le chant du monde n'a pas besoin de mots

en fin de compte


mardi 6 juillet 2021

Il y a longtemps déjà

  il était un soir ordinaire

j’écrivais une poésie pour l’allumeur de réverbères,

car l’allumeur de réverbères est celui qui nous rêvait

d’autres horizons, d’autres hasards, d’autres ciels inattendus.



Dans les villes tentaculaires

par les ruelles emmêlées

l’allumeur de réverbères

gardien des univers-nuits

ombrait des éternuités.



Des Illuminations

scintillaient les pupilles

Phare bougie halo blafard

Signes-feux aux naufragés 

des quotidiens des jours austères



L'allumeur de réverbères éclairait des chemins 

dans les routines existentielles.


Il allumait des rêves

des songes des déroutes

des fleuves infinis

des cernes jusqu'au cou

et des voix sans issue

des nuits à dormir debout

des nuits à tomber des nues

des brumes des brouillards

des soirées des impasses

et des oiseaux nocturnes

des bancs obscurs des parkings

des soi des ténèbres

des bleu-nuits des nuits noires

des solitudes marines

et des illusions des chimères.


Il veillait aux fenêtres endormies

quand la nuit, tous les chagrins sont gris.




Il y a longtemps déjà, il était un soir ordinaire

ma poésie pour l’allumeur de réverbères

a sombré dans une histoire très passée.


Comme l’allumeur de réverbères, a-t-elle seulement existé ?


Je n’ai pas connu

l’allumeur des nuits blanches

et des happy hour

des lueurs crépusculaires

et des faces cachées de la lune.




Il ne reste plus désormais

que des réverbères électriques

comme des roues fantômes

qui trônent dans le vide

dans les squares esseulés

des lumières orphelines.


Et je sais une chose à présent :

il est des âges où nous ne croyons plus

depuis longtemps déjà nous n’attendons plus

naïfs comme des enfants

que le monde s’éclaire.



samedi 26 juin 2021

Musarder, comme les liserons.

Parcourant la forêt ancienne, je remarquais la presque disparition des alliaires et la fin de la floraison des iris d'eaux. Les hellébores, violettes, cyclamens et pâquerettes avaient déserté les sous-bois. La mineuse, déjà, piquait les larges feuilles des marronniers. Les chèvrefeuilles odorants grimpaient vigoureusement ici et là. Les ronciers et leurs fleurs délicates promettaient de nombreuses mûres sauvages. Les ombelles de baies encore vertes pendaient aux branches des sureaux. Bientôt, elles allaient se teinter d'encre de Chine violacée. Les grandes bardanes se dressaient, altières et très amères. L'arôme des menthes aquatiques se propageait à foison. Les liserons rampants colonisaient des espaces de verdures. Et tant de simples encore, plantes communes et reines indigènes des lieux - telle l'armoise majestueuse, cousine de l'absinthe, ou les trèfles, les plantains, les rumex, les crépis, les pissenlits, les pulmonaires - s'épanouissaient généreusement. Et toujours, l'observation des cycles de vie et de mort de cette diversité végétale égaye mon âme, m'émerveille.

L'été est là, fidèle au rendez-vous. Cette année, la saison ingrate est magnifiée par les pluies orageuses. Il n'y a pas plus bel été. Pourvu que l'orage dure. Pourvu que la pluie tombe, encore.




En marchant dans ma forêt ancienne, je pouvais vérifier comme les pensées vont et viennent, fleurissent et fanent, croissent et décroissent au gré de mes perceptions et sensations. Parfois, elles donnent des graines. Parfois, les graines germent. Nulle maîtrise dans ce jeu, nous sommes les jouets de nos pensées facétieuses, éphémères, furtives et saisonnières.

En marchant, je ne pouvais que constater et apprécier le hasard, l'inattendu et l'imprévu de cette pensée qui saute et qui gambade, souvent sans queue ni tête. Il n'était pas désagréable, alors, de se laisser porter par des pensées qui n'en faisaient qu'à leur tête, mais qui s'inspiraient, ou qui surgissaient, d'une certaine manière, du lieu dans lequel je me dispersais : mes pensées entraient en correspondance avec ses bruits, ses parfums, sa faune, sa flore, etc.

En flânant dans ma forêt ancienne, il me plaît donc d'observer les cycles de vie et de mort des pensées. Des pensées et des saisons. Et l'été est propice aux pensées sauvages.

Finalement, ne pourrait-on pas distinguer deux formes de vie des pensées ? 
Il y a la vie sauvage de la pensée, d'une pensée qui nous déborde, qui apparaît, virevolte et fuit, pareille aux libellules noires rencontrées le long du chemin et du ruisseau ; et il y a le raisonnement, cette tentative de domestication de la pensée, d'ordonnancement, de structuration des idées. 

Le raisonnement est un exercice difficile, certes, mais contempler, se tenir vaguement disponible, dans l'accueil inconditionnel du mouvement ou de la flânerie des pensées n'est-il pas hautement plus difficile ? On pourrait se le demander.



Je musarde, donc je pense.

samedi 19 juin 2021

Tentative de never définition de la poésie - never

Ce soir c'était un whisky

Eau Ambre merveilleuse

Pierre précieuse enivrante

Instant de non-délit délicieux

Fête de l'oubli des jours laborieux

Restaurant chinois-coréen en amies

Ambiance post-extrême-orientale

Parfums couleurs familiers-étrangers

Je savoure un air libre. 

Naufrage à bord des pensées sans grammaire.



J'ai lu et écouté toutes les tentatives passé-présent-futur d'une définition de la poésie : 

je ne sais pas ce que la poésie veut dire, lorsqu'elle prétend signifier.

Il y a trop et pas assez de poètes sur la terre. 


Je ne suis pas un poète, et encore moins une poétesse.

Je ne suis pas auteur, autrice, écrivain, écrivaine, ou que sais-je encore.

Je n'ai rien lu.


Sauf Héraclite qui dit par la bouche d'Heinz Wismann que tout discours contient sa contradiction,

et qu'en ce sens, il ne coïncide jamais avec le réel.


La parole d'un poète vrai, s'il en existe un, est une allusion. Et souvent, une illusion.


Je ne suis pas un poète avant-gardiste : je me tiens à rebours.

Je pérégrine dans les reflets.

Je suis classique sans être classique et je n'ai pas d'opinion.

Les opinions sont encore plus ennuyeuses que mon ennui.

Je n'ai aucune position, je n'ai pas d'avis impératif, je suis comme un marin des cafés de la gare.

J'empreinte des arbres en stationnement illicite pour monter au 7è ciel : compartiment fumeur SVP.

Je suis militante des droits du rien. 

La contemplation du déclin me suffit.

J'écris depuis l'ombilic des limbes.

J'aime, c'est déjà ça : je suis une amoureuse démodée.

Et seul le climat de son corps me convient.




jeudi 17 juin 2021

Rêveries d'une passante solitaire

Dernier jour de cours pour moi, je vais clore cette année scolaire placée sous le thème de la musique avec Accords et désaccords, l'excellent film de Woody Allen. Je suis à peu près certaine que les jeunes ne le connaissent pas, et je ne suis pas certaine qu'ils apprécient. Néanmoins, qui sait ?

Souvent, je suis gagnée par la lassitude d'enseigner. Lassitude qui augmente lorsque l'on approche l'été et la chaleur étouffante. Les cerveaux, déjà peu remplis en général, semblent encore plus se vider à la fin de l'année scolaire. Il n'y a plus que leurs écrans qui les intéressent, pour une grande majorité. Leurs écrans, leurs réseaux sociaux, leurs films ou séries Netflix, et quoi d'autres ? Je ne voudrais pas insinuer qu'ils n'ont pas de culture, ni brosser un portrait trop négatif de ces jeunes à qui j'essaie d'enseigner quelques compétences rédactionnelles, de transmettre quelques connaissances en "culture générale", d'éveiller un peu leur curiosité, de tenter de leur faire réfléchir sur le monde et sur eux-mêmes, de construire avec eux un regard critique et réflexif, d'insuffler un peu de poésie, etc., mais ils sont en fin de compte bien peu - une grande minorité, à s'intéresser à ce qui sort de leur ordinaire : de leur "zone de confort", comme on dirait de nos jours, expression managériale des plus à la mode aujourd'hui... (On la sort et la répète à toutes les sauces, mais sait-on vraiment ce qu'elle signifie ?) 

Peut-être, exprime-t-elle bien, finalement, quelque chose de l'humaine condition : quelque chose d'une fausse profondeur. Une profondeur superficielle. Une expression qui prétendrait être d'une profonde intelligence, qui en donnerait l'illusion en tout cas, à celui qui en userait. 

Pour ma part, je peine de plus en plus à sortir de ma zone de confort. 

Ma zone de confort, ce sont mes éternelles rêveries. Mes rêveries au bord des eaux. Et je relis actuellement la préface de L'Eau et les Rêves de Gaston Bachelard. Je crois par ailleurs qu'il n'y a pas plus poète que ce philosophe :

"On rêve avant de contempler. Avant d'être un spectacle conscient tout paysage est une expérience onirique. On ne regarde avec une passion esthétique que les paysages qu'on a d'abord vus en rêve."

N'y a-t-il pas plus joli renversement ? 


La peine de l'eau est infinie. Je retrouve toujours la même mélancolie devant les eaux dormantes, une mélancolie très spéciale qui a la couleur d'une mare dans une forêt humide, une mélancolie sans oppression, songeuse, lente, calme. En ce qui touche ma rêverie, ce n'est pas l'infini que je trouve dans les eaux, c'est la profondeur. L'eau anonyme sait tous mes secrets. Une goutte d'eau puissante suffit pour créer un monde et pour dissoudre la nuit.

mercredi 16 juin 2021

lundi 14 juin 2021

Pourquoi reprendre quelque chose plutôt que rien ?

Reprendre l'écriture là où elle s'est arrêtée

Reprendre le train à rebours, compartiment fumeur svp

Reprendre un chemin d'à côté, celui des feuilles mortes

Reprendre des tartines de pesto d'alliaire fait maison

Reprendre un ou deux verres de Riesling

Reprendre des kilos de cellules émotionnelles

Reprendre le fil de la non-histoire

Reprendre là où l'écriture ne s'est jamais arrêtée

Reprendre un goût de nuit et de lointain

Reprendre un café et un carré de chocolat noir

Reprendre une cigarette ou deux aussi

Reprendre depuis le début et surtout depuis la faim

Reprendre un peu de vanité, tout est vanité



Le déclin du jour

 




Je contemple le déclin magnifique du jour. Je voudrais immortaliser la chute du jour.



L'ascension de la nuit.

Retenir l'éclosion de la nuit.

Un jour, la nuit éclot.




Et mesurer le temps du ciel est vertigineux.

mardi 8 juin 2021

in absentia





J'ai pris le train à reculons,

j’ai pris le train en marche arrière.

Quai des brumes

Gare aux réminiscences

Départ pour les contresens

Contrées disparues – lieux communs – histoires ordinaires.

Mondes à trop grande vitesse

Je n’ai pas vu les années passer – un comble pour une passante.




Il était un jour, j'ai embarqué à bord d’un TER

(Train de l’Éternel Retour)

- Train fantôme de l'extrême Orient Express -

pour remonter dans la nuit des temps.

Sens inverse

Demi-tour

À rebours.

Voyage à l'envers du décor,

intérieur à contre-courant.

Blaise, dis, sommes-nous encore loin du passé antérieur ?



Elly, il n'y a plus de compartiments fumeurs.



Grenoble – Chambéry – Annecy – Cluses

C’est mon Transsibérien, mon trajet sensible,

mon train de vie très passé.

A contre-jour

Encore une éternuité qui s'est écroulée avant que je ne prenne un billet de non-retour.

Échappée belle 

Au cœur des ténèbres : vers les pays des monts et des lacs.

Pause – arrêt – arrivée de toujours – méditation au Café de la Gare.

Là-bas,

une ado d’autrefois attendait encore,

et ô combien de cafés, combien de cigarettes, combien d'heures suspendues.





lundi 7 juin 2021

Couler dans les paradis virides

 


Plus que la mer, j'aime le lac et ses rivières. Sans doute parce que cela me rappelle ces joyeuses virées au lac, en famille et entre amis, ces longues virées à la journée, de ces étés insouciants, où nous étions plusieurs enfants à apprendre à se noyer. Nous jouions à former une ronde en nous tenant par la main, et nous avancions petit à petit jusque là où nos pieds ne touchaient plus le sol. Puis, nous délions nos mains, puis nous nagions jusqu'à la rive. Sauf que, je ne savais pas nager. Après avoir bu une belle tasse d’eaux troubles, heureusement des bras m'avaient saisie pour me ramener à la surface. Sur la plage, encore sous le choc de l’émotion, nous étions deux marmots à penser que couler fait une drôle de sensation. Et depuis ce jour, je sais bien couler.

mercredi 2 juin 2021

La révolution d'un seul brin de paille



Il est des livres posés au chevet de ma pensée, tel celui de Masanobu Fukuoka, faussement en dormance, mais agissant silencieusement, sans manifestations criantes.

Il est étrange alors de constater le cheminement tâtonnant de la pensée. Elle m’apparaît souvent comme une forme sans forme, comme une entité qui se meut en sourdine et qui parfois, fait parvenir à la conscience – comme sautant du coq à l'âne, dans un je ne sais quoi d'irrationnel, sans logique, mais sans doute de manière analogique : des associations libres, semble-t-il… (C'est dire un peu que la pensée n'est pas seulement affaire de conscience, mais qu'elle a quelque chose d'un inconnu évident, d'un processus inconscient.)

Ainsi, pensant ce lien indéfectible qui unit les êtres parlants au besoin de sens, à ce besoin de donner un sens à leur vie, comme on dit, ou de tout expliquer, croyant comprendre énormément de choses même ce qui dépasse l’entendement ; il m'est resurgi ce bon vieux livre du cultivateur « sauvage » que fut Masanobu Fukuoka, celui qui prônait un non-agir en agriculture, une ré-alliance aussi entre agriculture et spiritualité, un humble retour à la terre, chacun avec son bout de terre pour (se) cultiver et (se) méditer, en simple compagnie, voire peut-être en symbiose – qui sait ? avec la nature. Là où toute théorie deviendrait presque futile…

Me revenait alors ce passage où il expliquait que les paysans du 20eme siècle, devenus agriculteurs de grandes surfaces, n'avaient plus guère le temps de chasser le gibier durant la saison froide, ou (pire encore) de composer des haïkus. La dimension poétique (ou spirituelle) ne nourrissait plus l'âme de celui qui cultivait la terre pour « produire » de la nourriture, à foison, comme il en était convenu désormais, des fois qu'il s'enrichirait.

Une perte pour un gain ? Ou une perte pour une perte ?

Peut-être faudrait-il retenir et méditer ce conseil de M. Fukuoka : « Si l'on ne cherche plus à manger ce qui est agréable au goût, on peut goûter la vraie saveur de tout ce que l'on mange. »

(2017)


Images d'un passé bucolique


lundi 31 mai 2021

Le journal sans cesse médité de mon cafard

"À la fois arche de Noé et canot de sauvetage, le ZOØDIAC voudrait embarquer les journaux imaginaires de ces derniers spécimens, afin que leurs morts orphelines chantent le requiem sauvage de la sixième extinction."

Donner une voix, la voix de la fin, aux animaux - sensibles bêtes, c'est le beau projet de cette écriture en ligne à découvrir : ZOØDIAC.

Et ma contribution personnelle : .

dimanche 25 avril 2021

Je me souviens toujours de Nam

Il y a des bouts de soi, éparpillés, des bouts de cœur, des bouts d'ailleurs, des bouts de vie qu'on espère aligner, mettre bout à bout, et reconstituer, comme un puzzle depuis l’autre bout du monde.

Il y a ce que l'on sait – si peu, et tout ce que l'on ne sait pas : des temps inconnus, des bribes, des débris, des interrogations et des fosses qui se creusent en nous, des mots défaillants qui font tout de même notre histoire, des fragments de ci, de là, des souvenirs flous d'une terre natale, des lieux perdus, des champs d'oubli et des champs de mine, des trous de mémoire et des bouts de loin en soi.




jeudi 22 avril 2021

Impressions de printemps

 

Un peu de répit dans la course du quotidien, et on s'évertue, on perpétue, on s'épuise à reprendre les mots, on continue, entre soi et malgré soi, on écrit dans la brume, un matin doux d'avril, après le chant des oiseaux, et un soleil encore timide. On écrit un je ne sais quoi et presque rien qui tombe sur la forêt ancienne, qui s'épanche sur les yeux. Un cliché de l'inattendu. Un zoom sur l'imprévu. Un hasard matinal. Une douceur enveloppante. Une tranquillité là-haut, dans le ciel, au-dessus de la mêlée, presque hors-temps, un semblant de pause, d'arrêt sur image, comme une illusion. On rêve encore d'une longue pensée dans la brume, d'une écriture sans but, d'une poétique de la fumée, ou peut-être plutôt, d'une idée fumeuse. Et on se reprendra un café chaud et une cigarette pour se consoler. Le jour a commencé, et la nuit se fait encore attendre.



mardi 6 avril 2021

Un printemps d'autrefois


En quelques semaines, le jardin de ma mère a changé de couleurs. Les magnolias, jonquilles et tulipes du printemps ont fané. Le jardin a l’allure d’un jardin abandonné. À cette heure matinale, alors que le soleil s’étire timidement, les fleurs sauvages sont encore fermées. Pissenlits et pâquerettes ne sont que des taches discrètes dans le vert de la pelouse. À côté, les pots de fleurs font grise mine. Maman n’est plus là pour prendre soin d’elles. Demeurent les joubarbes qui ne craignent ni le manque d’eau, ni le manque de cœur. Car il faut aussi de l’amour pour entretenir les plantes. Et ce jardin, comme cette maison, souffre d’une sécheresse d’amour depuis que Suzanne a quitté ces lieux. La personne qui mettait tout son amour dans ses gestes de jardinage, comme de cuisine, aussi hystérique et pénible fût-elle à côtoyer au quotidien, savait, malgré tout, rendre ces lieux accueillants. Et plus qu’on ne le croit, égayer un lieu de vie, c’est prendre soin des autres, c’est faire en sorte que les habitants du lieu se sentent bien chez eux, là où s'ancrent et poussent les lianes affectives. Car, quand sommes-nous chez soi, en fin de compte ? Nous ne sommes nulle part chez soi, sauf là, peut-être, où nous sommes accueillis, même temporairement, « hospités », dit Barbara Cassin, dans son bel essai, La Nostalgie.

(en 2017)

jeudi 25 mars 2021

Autoportrait en gouttes de pluie

 


C'était sans doute un soir d'automne, je me réalisais cet autoportrait en gouttes de pluie. Les gouttes de pluie, ou les gouttes de gris, je les connais. Elles m'accompagnent depuis longtemps. Elles tombent, elles coulent, elles se mêlent à mes états de l'âme. Je les écris, je les varie, j'en peins des tableaux qui se suivent et se ressemblent, ou ne se ressemblent pas.
Ce fut d'abord la mousson d'un pays et d'un temps perdus. C'était parfois une pluie orageuse sous un ciel d'été. Il arrive encore que cette pluie accompagne une tempête violente. Rarement, elle est douce et fine, presque imperceptible. Et à d'autres moments, elle se confond aux larmes, avant de se jeter dans un ruisseau, une rivière, une mer, un océan.
Les gouttes de pluie sont toujours pleines de mélancolie, on apprend à composer avec leurs mélodies : elles sont comme un chant de grillon dans la nuit. Je fais avec, je les écoute. Je les accepte, je les accueille. Je les contemple aussi car elles sont peut-être à l'image d'une existence humaine. Toutes les existences pleuvent et finissent par se noyer dans le grand fleuve.

jeudi 28 janvier 2021

Cultiver la brume, for ever

Il faut prendre le désir à la lettre.
Lacan, Écrits, Le Seuil, 1966.


Aujourd’hui, je crois pouvoir affirmer qu’écrire, c’est toujours écrire entre les langues, les mots, les pensées et les styles des autres. Son style propre est un métissage : aussi, un heureux avènement, ou le produit d’un cheminement progressif dans le travail de l’écriture, avec des hauts et des bas, des inspirations et des absences, de jolies trouvailles et des scribouillages laborieux.

Après quelques jours de plongée dans mes écrits, qui s’étalent sur une dizaine d’années, de 2009 à 2019, après les avoir laissés en dormance, longtemps…, je viens donc d’accoucher de trois recueils de poésies, après avoir fait le grand ménage, trier, jeter (beaucoup), relu, retouché ; trois recueils qui sont comme trois moments de mon existence passée.

Je m’arrête là, je passe à autre chose. Je ne quitte pas le monde de l’écriture pour autant, je crois que je me jette enfin à l’eau ! J’écris simplement autre chose, une chose autre, encore et toujours étrangère, mais qui semble mieux correspondre avec celle que je deviens, et je dois dire que ça me fait du bien. Un souffle d’énergie, une petite euphorie. Comme une métamorphose qui vient de s’achever. Ou le commencement d’une autre.

Peut-être, enfin, peut-être, ai-je emprunté le bon chemin ? Celui de mon désir obscur ?