En quelques semaines, le jardin de ma mère a changé de couleurs. Les magnolias, jonquilles et tulipes du printemps ont fané. Le jardin a l’allure d’un jardin abandonné. À cette heure matinale, alors que le soleil s’étire timidement, les fleurs sauvages sont encore fermées. Pissenlits et pâquerettes ne sont que des taches discrètes dans le vert de la pelouse. À côté, les pots de fleurs font grise mine. Maman n’est plus là pour prendre soin d’elles. Demeurent les joubarbes qui ne craignent ni le manque d’eau, ni le manque de cœur. Car il faut aussi de l’amour pour entretenir les plantes. Et ce jardin, comme cette maison, souffre d’une sécheresse d’amour depuis que Suzanne a quitté ces lieux. La personne qui mettait tout son amour dans ses gestes de jardinage, comme de cuisine, aussi hystérique et pénible fût-elle à côtoyer au quotidien, savait, malgré tout, rendre ces lieux accueillants. Et plus qu’on ne le croit, égayer un lieu de vie, c’est prendre soin des autres, c’est faire en sorte que les habitants du lieu se sentent bien chez eux, là où s'ancrent et poussent les lianes affectives. Car, quand sommes-nous chez soi, en fin de compte ? Nous ne sommes nulle part chez soi, sauf là, peut-être, où nous sommes accueillis, même temporairement, « hospités », dit Barbara Cassin, dans son bel essai, La Nostalgie.
(en 2017)
C'est beau. Ça donne aussi envie de lire le livre que je ne connais pas de Barbara Cassin.
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé La nostalgie de B. Cassin, je pense que tu devrais aimer aussi !
SupprimerParadoxe de l'hospitalité: devenir étranger chez soi en accueillant l'étranger et être chez soi chez l'étranger qui accueille.
RépondreSupprimerTout à fait, cher Alain. L'hôte a d'ailleurs ce double sens en français d'être à la fois celui qui reçoit et celui qui est reçu. Ambivalence de l'hospitalité donc...
SupprimerThat strange emptiness--- when someone should be there, but there are only echoes.
RépondreSupprimerYes, emptiness is strange, full of echoes. Merci beaucoup Bill pour cette belle image.
SupprimerTrès beau texte, très juste aussi chère Elly. Merci !
RépondreSupprimerIl me semble que la maison est notre univers intérieur, notre monde onirique, un lieu immémorial où dansent les souvenirs d’enfants. Elle est ce cosmos où scintillent ces éclats de rires, de larmes et de réconforts. Elle est des instants de vie.
Je me souviens de ces moments où fumait la cheminée de la ferme de mes grands-parents, ardents travailleurs de la terre. Le givre déposé sur les vitres provoquait une belle intensité avec les flammes de l’âtre. Dans la cuisine, la cafetière chuintait et distillait un merveilleux arôme. A l’entrée, un escalier en bois menait au repos.
On vivait dans l’intuition de l’instant, dans ces rhizomes 'affectifs" qui lient les générations entre elles.
Sibylle
Merci de votre lecture, chère Sibylle, qui me renvoie au très riche et bel essai de Gaston Bachelard : La poétique de l'espace (que vous connaissez certainement très bien d'ailleurs...)
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