dimanche 18 juillet 2021

Mais tout de même, reprenons la route

Flânons encore ensemble quelques heures. Nous savons être sur le déclin, nous savons la fin si proche, si prête. Dans quelques minutes, dans quelques secondes, ce n'est que l'espace de quelques jours dans une éternuité. Et L'air du temps n'est qu'un fragment d'éthernité. (J'écrivais cette phrase il y a des lustres.)

Apprenons à flâner encore un peu. Développons le sens de la flânerie, indéfiniment, car c'est tout ce que nous savons faire, heureusement. Nous liserons entre les lignes, et nous cueillerons des pensées sauvages, dans les ombres des ruelles, à la terrasse des murmures, comme un moment dans une nuit, à capter l'insolite des journées ordinaires.





L'allumeur de réverbères n'est plus et nous finirons comme lui, depuis longtemps déjà, à disparaître. Reste, peut-être, un léger soupçon de rêves jaunis, comme les pages abîmées d'un livre très ancien. Nous les tournoierons en diagonale et dans tous les sens. Nous déploierons la poussière de nos âges pas encore vieux, même s'il est presque minuit trop tard.

Mais tout de même, reprenons la route ensemble, et le plus lentement possible. Suivons le lit du fleuve et son delta immense. Nous nous retrouverons peut-être, perdus dans un instant de flânerie. Comme si nous y étions, là-bas, nous fermerons les yeux, nous guetterons le vent burlesque, des fois qu'il ferait encore tinter le carillon chinois.

vendredi 9 juillet 2021

Et j'ai assez voyagé


en long en large et en travers

aussi à tort et à travers

assez traversé

assez fait le tour de ma terre

de mon rond-point intérieur

de mon ennui circulaire

un voyage qui s'épuise

autour de ma chambre aux volets mi-clos

mais fenêtre ouverte sur les ailleurs

avec la lassitude des saisons - vivement l'automne des jours



J'ai donc assez voyagé

assez vu senti entendu

mais sans doute pas assez lu

et à la fois bien trop lu - tous ces livres qui donnent le vertige - si ce n'est la nausée

on pourrait en construire des demeures de papier 

des châteaux de livres en veux-tu en voilà

des palais de lettres à perte de vue

tout s'écroulerait au premier déluge

et tout ce monde qui écrit - toutes ces écritures

romanesques intellectuelles fictives auto-fictives fantasy polar essai haïku poésie etc. etc.

ça fait quelque chose

ça ferait un grand feu de joie




J'ai donc bien assez voyagé

de l'est à l'ouest du nord au sud

depuis ma terre du dedans

depuis mes adagios

vieilles histoires tant de fois réécrites

et qui n'en finissent pas de se traduire

maintenant j'explore le passage

et les limites du temps

dans un corps à corps avec une atmosphère

car le chant du monde n'a pas besoin de mots

en fin de compte


mardi 6 juillet 2021

Il y a longtemps déjà

  il était un soir ordinaire

j’écrivais une poésie pour l’allumeur de réverbères,

car l’allumeur de réverbères est celui qui nous rêvait

d’autres horizons, d’autres hasards, d’autres ciels inattendus.



Dans les villes tentaculaires

par les ruelles emmêlées

l’allumeur de réverbères

gardien des univers-nuits

ombrait des éternuités.



Des Illuminations

scintillaient les pupilles

Phare bougie halo blafard

Signes-feux aux naufragés 

des quotidiens des jours austères



L'allumeur de réverbères éclairait des chemins 

dans les routines existentielles.


Il allumait des rêves

des songes des déroutes

des fleuves infinis

des cernes jusqu'au cou

et des voix sans issue

des nuits à dormir debout

des nuits à tomber des nues

des brumes des brouillards

des soirées des impasses

et des oiseaux nocturnes

des bancs obscurs des parkings

des soi des ténèbres

des bleu-nuits des nuits noires

des solitudes marines

et des illusions des chimères.


Il veillait aux fenêtres endormies

quand la nuit, tous les chagrins sont gris.




Il y a longtemps déjà, il était un soir ordinaire

ma poésie pour l’allumeur de réverbères

a sombré dans une histoire très passée.


Comme l’allumeur de réverbères, a-t-elle seulement existé ?


Je n’ai pas connu

l’allumeur des nuits blanches

et des happy hour

des lueurs crépusculaires

et des faces cachées de la lune.




Il ne reste plus désormais

que des réverbères électriques

comme des roues fantômes

qui trônent dans le vide

dans les squares esseulés

des lumières orphelines.


Et je sais une chose à présent :

il est des âges où nous ne croyons plus

depuis longtemps déjà nous n’attendons plus

naïfs comme des enfants

que le monde s’éclaire.