lundi 31 décembre 2018

Trois rêves



Depuis le pays dans la brume des monts et des lacs, j'ai rapporté quelques chinoiseries. L'ambiance reste à la chinoise. Ces objets sont des liens symboliques et affectifs à un ailleurs qui m'imprègne et qui est tout à la fois, pour toujours, extérieur : un intime et un extime, comme dirait François Jullien.




J'ai rêvé trois fois de lui depuis qu'il est mort. Il est venu trois fois dans mes rêves. 
La première fois, il me faisait peur. Il avait l'air en colère. Il ne me regardait pas, il ne me parlait pas.
La deuxième fois, il se cachait de son fils ; il y avait son fils. Il ne me regardait toujours pas, ni ne me parlait. Il semblait plus apaisé cependant ; et ce rêve m'a apaisée.
La troisième fois, il ne m'adressait toujours pas la parole. Il ne me regardait pas. Alors je lui ai dit : si tout cela ne s'était pas passé, je serais encore avec toi.

vendredi 28 décembre 2018

J'ai toujours pensé que c'était en septembre

C'est la dame du consulat qui nous avait donné le pull en laine jaune que tu portais. Maman a vomi tout le long du voyage en avion. Elle tenait à peine debout à l'arrivée. Elle était emmitouflée dans une couverture donnée par les hôtesses de l'air. Toi, tu portais ce pull et je t'avais aussi entourée d'une couverture. Je n'avais qu'une chemise à manches courtes sur moi. Nous étions à Paris. Quand la dame du consulat t'as vue, elle nous a dit : partez, quittez ce pays, mais prenez ce pull pour votre enfant. Nous sommes arrivés au mois de novembre.

jeudi 27 décembre 2018

Quelques jours dans la brume



Aux pays des monts et des lacs, là où je m'évade régulièrement, il fait actuellement très froid et très brume. Le ciel est blanc et immobile. L'atmosphère anesthésiante m'invite au repos et à la nostalgie. Dans la maison de l'enfance, la télé est branchée sur la chaîne d'info nationale du Vietnam. Les intonations familières me bercent et me transportent ailleurs. Je suis à Saïgon, dans une ville en noir et blanc comme les quelques images souvenirs insérées dans ma mémoire-album photos. Mais quand un animateur du Nord prend la parole, je ne comprends plus rien. La langue devient doublement étrangère. Les habitants du Sud ont parfois du mal à comprendre les frères du Nord. C'est aussi le cas de Liên. Sud et Nord ont toujours un peu des difficultés à s'entendre. Dans la cuisine, Liên et Jean préparent la soupe Phở pour ce soir. Elle régalera les papilles des petits. Pendant ce temps, je me réfugie dans ma chambre étrangère, ma chambre qui n'est plus la mienne. J'essaie de retrouver une pensée qui m'était venue après le repas de midi, pendant la pause café-clope. Cette pensée s'était vite estompée. Il me semblait alors que la douleur morale pourrait éventuellement être plus supportable que la douleur physique, avec quelque chimie de consolation. Mais après réflexion, j'en doute. Dans les deux cas, lorsque la souffrance est trop importante, faire taire la conscience s'impose. Un coma me ferait du bien.
Mais belle-soeur téléphone. Elle arrive. Je l'aime toujours autant, et peut-être plus encore depuis que JF n'est plus.

lundi 24 décembre 2018

Merzi

«Quel est le mot de votre langue maternelle qui vous manque le plus ?» Un Albanais nous a répondu : «"Merzi", c’est quand quelque chose vous manque encore plus que le manque.»



vendredi 21 décembre 2018

Se noyer en douceur dans le souvenir de l'amer

Il n’y a pas de seuil à la douceur, plutôt une continuelle invitation à être contaminée par elle, qui peut se briser en un instant.

Puissance de la douceur, Anne Dufourmantelle.



mardi 18 décembre 2018

Mon frère féminin

Il n'y a pas besoin de mourir pour être mort.

Île. Cime. Seule.


Saule pleureur ! Saule éploré ! Saule, corps et âme des femmes ! Nuque éplorée du saule. Chevelure grise ramenée sur la face, pour ne plus rien voir. Chevelure balayant la face de la terre.
Les eaux, les airs, les montagnes, les arbres nous sont donnés pour comprendre l'âme des humains, si profondément cachée. Quand je vois se désespérer un saule je comprends Sapho.

M.T, Mon frère féminin, Lettre à l'Amazone (1932).

samedi 15 décembre 2018

Tu vois comme le temps sera gris aujourd'hui ?




c'est la faute à la vie
- Si la nuit déteint à l'infini -

Une saison grise, à perte de vue.

Les éternelles feuilles mortes




A la saison froide, le bois se dévêtit. La forêt nue est frissonnante, et parfois, l'élégante éternue.
On ne peut rester indéfiniment insensible à la solitude étrange du lieu.
Comment ne pas sentir monter le désir irrépressible de se mêler au corps des feuilles mortes, de dépérir, de se décomposer, de disparaître dans les parfums de la terre ? 

samedi 8 décembre 2018

Heureusement

que, en ces temps moroses, Philippe Katerine existe.


Je n'écoute plus

que Cocteau Twins pour une durée indéterminée.

Entre Pepper Tree



Plain Tiger



Et d'autres.



dans un ciel d'autrefois
il m'avait laissé 
2 albums des Cocteau
Je ne les ai plus quittés